15 mars 2006

Licence 1 : -Méthodologie de la dissertation -Panorama : la musique à l'époque baroque

Cristoforo Munari, Nature morte à la cruche de verre, Musées de Sienne.

Méthodologie de l'écrit musicologique

Corrigé de l'exercice 2 d’après la copie d’un étudiant du CAPES

Sujet
Le Larousse du XIXe siècle s’exprime ainsi à propos de la virtuosité : « Jamais la qualité de virtuose n’a été donnée à un compositeur. Un virtuose est un artiste habile dans l’exécution matérielle de la musique, soit vocale soit instrumentale, et nous disons à dessein “dans l’exécution matérielle” parce que la virtuosité ne va pas au-delà et qu’un virtuose très remarquable peut n’être sous le rapport du sentiment, de l’âme, de la passion, voire parfois du goût, qu’un artiste médiocre » (cité par Cécile Reynaud dans Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 1288).
Vous commenterez et discuterez cette citation en vous attachant à éclairer le statut de la virtuosité, notamment dans sa relation à l’invention musicale. Votre propos s’appuiera sur des exemples circonstanciés puisés dans différentes expressions musicales.
Exercice : rédiger uniquement les transitions, l'introdution et la conclusion. Choisissez des exemples pertinents et précis qui viendront éclairer votre raisonnement.

Introduction
La notion de virtuosité désigne de nos jours l’exécution habile, les prouesses techniques, parfois même dans le sens péjoratif de gratuité artistique. C’est ce que semble aussi rapporter le Larousse du XIXe siècle : « Un virtuose est un artiste habile dans l’exécution matérielle de la musique […] parce que la virtuosité ne va pas au-delà ». De même, la virtuosité est attachée uniquement à l’interprète : « Jamais la qualité de virtuose n’a été donnée à un compositeur », établissant ainsi une hiérarchie entre l’interprète considéré comme une machine et le savant créateur.
(Problématique)
Toutefois, il serait pertinent de s’interroger sur le statut même de la virtuosité : peut-on admettre telle quelle la définition du Larousse ? La conception de la virtuosité n’a pas toujours suivi ces notions si restrictives, en particulier dans la vision d’un exécutant « habile » cantonné à un étalage de technique brillante « sans âme » et sans « passion ». De même, la notion de « goût » qui lui est dénié doit être interrogée : un virtuose peut-il passer outre aux connaissances stylistiques d’une période, aux règles de composition, bref à l’univers d’un compositeur ? Dès lors il y aurait deux figures du musicien : le virtuose conçu comme un automate et l’exécutant capable de faire partager une certaine expression musicale. Peut-on admettre une telle dichotomie, entre technique et musicalité, du moins au sein de la virtuosité ?
Enfin doit-on en écarter le compositeur ? On peut se demander, au contraire, s’il n’est pas possible de lier virtuosité et invention musicale. Si les deux conceptions se répondent, l’habileté doit-elle rester l’apanage exclusif de « l’exécution matérielle » ? On peut ainsi s’interroger sur l’existence d’une virtuosité « cachée » propre au créateur-savant.
(Annonce du plan)
Pour répondre à ces questions, nous proposons de conduire l’étude sous trois angles. Le premier montrera qu’il existe sûrement une virtuosité gratuite peu soucieuse d’« âme » ou d’expression : il s’agit d’une tendance que l’on peut rencontrer à bien des époques ou dans bien des sociétés. Dans ce domaine, l’interprète, contrairement à ce qu’avance le Larousse, n’est pas toujours le seul à être en cause : on étudiera ainsi le rôle du public et également celui du compositeur dans la propagation de cette virtuosité sans « passion ». La deuxième partie s’interrogera sur les aspects positifs de la virtuosité, considérée dans sa dimension d’« exécution matérielle » : les prouesses techniques, le jeu avec les limites ne sont pas toujours un frein à l’invention, à la créativité et même à l’expérimentation. La troisième partie, enfin, en s’appuyant sur ces liens tissés entre virtuosité et invention, montrera que le savoir-faire virtuose peut aussi être présent chez les compositeurs sans qu’il se manifeste forcément par la médiation d’un exécutant.

NB : Plan => du plus simple au plus complexe. Je pars de la citation et j’expose une des conceptions courantes à notre époque. J’essaie de mêler tjrs compositeurs et interprètes, c’est-à-dire virtuosité et invention.

I- La virtuosité gratuite mène à une impasse chez les interprètes comme chez les compositeurs => la virtuosité est un frein :
- Les castrats : ils empêchent un déroulement dramatique satisfaisant (ex.). Citez Marcello.
- certains effets de jazz, ex. : Art Tatum. Il se consacre à la vitesse uniquement.
=> Ce type de virtuosité entraîne également un certain conformisme : les artistes se contentent du même répertoire car ils veulent briller
- N. Kennedy représente de nos jours aussi cette tendance : il na pas de « goût » au sens où l’entend le Larousse (il tente de jouer Vivaldi le plus vite possible).
=> Ce conformisme ne peut s’expliquer sans la présence du public qui apprécie la performance dans les airs ou les pièces qu’il connaît déjà. On assiste ainsi à l’émergence de conventions qui peuvent contrecarrer l’invention musicale. On peut donner en exemple la mode, au XIXe siècle, des variations – les « pots-pourris » - sur des thèmes d’opéras célèbres, ou encore les « joutes » de musiciens si appréciées à l’époque baroque et romantique.
=> Dans cette course au succès ou à la facilité, nous ne devons pas y omettre les compositeurs : sans eux, les artistes ne pourraient pas se produire. Ex. d’œuvres destinées à faire briller le soliste : Caprices de Paganini.
Transition : Il existe donc une virtuosité sans « âme » et sans « goût » capable de mettre à mal certains objectifs de l’art musical. Toutefois, d’autres exemples montrent que cette technicité a pu produire des effets bénéfiques : c’est le cas notamment dans l’évolution de la facture musicale. De même lorsque compositeur et exécutant sont la même personne, la vision de la virtuosité est sûrement différente.

II- Les prouesses techniques font avancer l’art musical
=> sur la facture instrumentale : des instruments adaptés aux nouvelles exigences techniques et expressives.
=> le compositeur-interprète : lorsque les demandes technique de facture, ou encore de virtuosité, émanent de compositeur-interprète, nous assistons à l’émergence d’un trio particulièrement efficace : le facteur, le créateur et l’interprète. Le résultat de leur collaboration est particulièrement saisissant dans le genre de l’étude, lieu emblématique de leurs talents réunis.
Ex : Liszt, Études d’exécution transcendante.
=> Dans la toccata baroque, l’artiste y fait montre à la fois de prouesses étonnantes et de surprises harmoniques. Ex de Frescobaldi. Mais chez ce compositeur, jamais la virtuosité n’est dissociée de l’expression : c’est ce qu’il indique dans ses Avvertimenti publiés avec le premier livre de toccatas en 1637.
=> La toccata est entièrement écrite mais garde bien des traces du jeu improvisé : elle lui est très liée. En effet, l’improvisation est aussi le moment d’une virtuosité bien entendue qui allie technicité et spéculation harmonique. Ex. le « Be-bop » où, grâce à l’improvisation, émergent de nouvelles harmonies
Transition : Ces exemples montrent bien que le point de vue défendu par le Larousse ne donne qu’une vision parcellaire de la virtuosité : la technique instrumentale peut à certains moments nourrir la pensée musicale et l’élever également à un haut niveau d’expressivité. De même, il semble difficile d’arrêter la vision de la virtuosité à une simple exécution technique – « matérielle » - : elle en entre en jeu dans de multiples aspects de l’invention musicale elle-même. Dans ce sens, le compositeur y a droit autant que l’interprète, au rebours de ce que proclame le Larousse.

III- Virtuosité et invention : des relations profondes
=> En effet, la virtuosité s’apprécie autant au niveau de la composition que de l’exécution. C’est ce que nous rapporte Sébastien de Brossard dans son Dictionnaire de musique de 1703 : l’épithète de virtuose désigne plutôt les musiciens « qui s’appliquent à la Théorie ou à la Composition de la musique ». La virtuosité compositionnelle peut se définir comme la maîtrise d’une écriture extrêmement complexe, revendiquée pour elle-même, sans connotation péjorative. Ex. de l’Ars subtilior et les proportions rythmiques.
=> Cette position oblige l’interprète à envisager son art comme une maîtrise ou une connaissance de règles savantes, d’un univers intellectuel foisonnant, d’une pensée musicale complexe. L’interprète doit comprendre ce qu’il joue et n’est pas seulement un exécuteur machinique : sa virtuosité en dépend. Dans ce cas, une complicité se noue entre compositeur et virtuose : ce dernier agit en tant que catalyseur. La création de l’œuvre s’établit en étroite collaboration entre le créateur et l’exécutant. Ex. Sequenza III pour voix de Berio. Ce dernier comparait d’ailleurs Cathy Berberian à un studio de phonologie !
=> Mais la complexité de conception ne s’associe pas toujours à une difficulté d’exécution demandant une habileté individuelle très prononcée. Les pièces jouées dans l’île de Bali en font foi : elles cultivent une virtuosité rendue possible par le partage de la ligne mélodique entre les exécutants. C’est donc la coordination collective qui demande une très grande adresse. La virtuosité d’exécution des orchestres de gamelans se concentre ainsi autour de contrepoints qui exploitent une technique proche du hoquet appelée « ketekan » ou « kotèkan ». Ils excluent une approche purement soliste : l’exécution de la pièce elle-même est divisée en tâches infinitésimales et se veut l’expression d’une éthique communautaire. On peut parler dans ce cas de « virtuosité collective », notion totalement absente de la citation du Larousse.
=> Si nous interrogeons maintenant l’étymologie même du terme, la « virtus » latine, elle désigne un attitude faite d’une profonde adhésion à des valeurs morales. Il ne s’agit donc plus de notions techniques ou de comportements « virtuoses » mais bien d’un véritable ancrage dans des postures éthiques clairement assumées et revendiquées.
Pour Brossard, au début du XVIIIe siècle, ce comportement définit « l’excellent musicien » : c’est cette valeur d’excellence qui pourrait cerner véritablement la notion de virtuosité et non, comme le rapporte le Larousse, la seule habileté « matérielle ».
Ex : pour Bach, l’élaboration musicale se déploie à l’office et y prend tout son sens (chorals variés, la fantaisie choral, dans les cantates).
=> Chez d’autres, l’excellence se conçoit comme une réflexion politique, celle d’un citoyen aux prises avec les enjeux de la cité et qui s’adresse à ses pairs.
Ex. L. Nono et Prometeo : amener l’humanité vers des univers encore « in-ouïs ». Ou City life, IIIe mouvement, grand canon répétitif fondé sur un matériau vocal enregistré dans une manifestation de noirs américains. Le musicien, par son élaboration savante et son approche sensible, prend part aux débats de la cité, fait œuvre de citoyen « virtuose », au sens des artistes du XVIIe siècle.

Conclusion
=> Réponse aux questions posées
=> Conclusion personnelle.

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Licence 1
Méthodologie de l'écrit en musicologie


Exemples de fiche pour les cours

Genre, forme ou procédé d’écriture (ex. : La Monodie, Le Concerto)

*définition
*origine
*période
*évolution
*principaux procédés d’écriture
*exemples marquants de compositeur ; leurs apports au genre.

Un compositeur (ex. : Jean-Sébastien Bach)

*principaux éléments biographiques (court)
*évolution ou périodes
*genres abordés
*principales caractéristiques
*exemples d’œuvres (par genre)
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FICHE MONODIE

I- La MONODIE

*définition : Chant à voix seule accompagnée par la basse continue

1- Origine : fin du XVIe siècle, recherches de la Camerata dei Bardi pour mettre en place un chant à voix seule
- Période : vers 1580 – 1650
=> La monodie: un des éléments les plus novateurs: un tournant dans l’histoire de la musique (rompt avec la Renaissance et participe au développement de l’opéra).

- La Camerata dei Bardi
*Florence : La Camerata dei Bardi: cercle d’intellectuels.
Une réforme est réclamée vers 1580 par un gentilhomme florentin, le comte Bardi, compositeur amateur. Il réunit autour de lui des penseurs et musiciens (depuis environ 1572 jusqu’en 1582 environ).
- Buts de la Camerata :
=> retrouver les idéaux et les procédés de Anciens ;
=> mettre en valeur le texte grâce au chant soliste et non plus par la polyphonie ;
=> exprimer les passions (« affetti ») véhiculée par ce texte en trouvant un débit proche de la parole

2- Compositeurs
=> Giulio Caccini, 1551-1618 (chanteur, compositeur)
*Nuove Musiche de Caccini, Florence, 1602. Recueil d’airs et de madrigaux à voix seule, précédé d’un texte de ce compositeur reprenant les idées de la Camerata, y décrivant sa participation et donnant des indications d’interprétation.
« La musique n’est rien que la parole, le rythme et le son venant ensuite » (Nuove Musiche)

=> Claudio Monteverdi (Venise). N’est pas associé aux débuts de la monodie. Les monodies apparaissent aux VIIe, VIIIe et IXe (posthume) livres de madrigaux.
-Lamento d’Ariane:
> opéra, 1608 (perdu) ;
> version à 5 voix, VIe livre, 1614 ;
> publié sous forme de monodie séparée, Venise 1623
= Succès de cette œuvre.

3- Les formes de la monodie
=> Madrigal à voix seule : composition continue (durchkomponiert) >
Ex : Amarilli, Caccini
=> Aria de forme strophique
-forme strophique simple A A’ A”
-variation strophique: caractéristique (la mélodie est variée à chaque strophe)
=> Les airs avec ostinato : une forme éminemment baroque

II- LA BASSE CONTINUE (basso continuo)

*Déf : Accompagnement réalisé par une ligne de basse comportant des chiffrages harmoniques

- Origine : orgue qui double la partie vocale de basse.
- Puis invention d’un accompagnement instr. capable de supporter et d’exprimer les harmonies que la voix soliste ne pouvait plus donner. Cet accompagnement ne doit pas gêner la parole chantée et l’émission du texte.
-nécessité de recourir à 2 instr (ou plus) : basse d’archet + instr polyphonique (clavecin, orgue, théorbe, guitare, etc.)

III- LE STYLE RÉCITATIF ou stile recitativo

*Déf.: style vocal qui tente de se rapprocher des inflexions et du rythme de la voix parlée. La musique se soumet au texte.

1- Caractère : grande liberté rythmique.

2-Les 2 styles de récitatif
a-Style simple ou narratif : expose l’action, pas de complications musicales.
b-Le stile rappresentativo ou style expressif (évolution du récitatif avec Monteverdi) : un récitatif expressif et théâtral :
=> S’attache à exprimer les passions du texte
=> Met en valeur les mots
-Ecriture du style expressif : nombreuses figures musicales: *dissonances *tons et enchaînements *courbes mélodiques *intervalles
Ex: Lamento d’Ariane, Monteverdi.

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Pour la méthodologie générale de la dissertation, vous pouvez consulter avec profit le site "Études littéraires" en cliquant sur le lien suivant :
http://www.etudes-litteraires.com/dissertation.php

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Corrigé de la dissertation élaboré avec les étudiants de Licence 1

Sujet de dissertation
Dans son Dictionnaire de musique, publié en 1703, Sébastien de Brossard rapporte que les Italiens définissent le virtuose de la manière suivante : « ils donnent plus communément et plus spécialement cette belle Épithète [de virtuose] aux excellents Musiciens et, entre ceux là, plutôt à ceux qui s’appliquent à la Théorie ou à la Composition de la musique qu’à ceux qui excellent dans les autres Arts, en sorte que dans leur langage, dire simplement qu’un homme est un Virtuoso, c’est presque toujours dire que c’est un excellent musicien. » (Dictionnaire de musique, Paris, Ballard, 1703).
Pensez-vous que cette opinion puisse définir de manière satisfaisante la virtuosité dans sa relation à l’invention musicale ? Vous fonderez votre réflexion sur des exemples précis dont certains seront sur portée.

Problématique dégagée
Le virtuose pour Brossard est l’« excellent musicien ». Mais qu’entendre par ces termes ? Comment définir l’excellence en musique ? Pour Brossard, dans une conception héritée des humanistes, elle semble s’appliquer seulement aux compositeurs et aux théoriciens. À l’heure actuelle, en revanche, la virtuosité s'emploie pour l’interprète, celui qui cultive une technique hors norme et se singularise par ses capacités exceptionnelles. Doit-on en rester à une acception si étroite ? Ne pourrait-on pas envisager, à la suite de Brossard, le sens moral de la virtuosité et y inclure tout musicien « excellent », celui qui saurait rendre audible et perceptible l’essence même de son art ?

Corrigé : plan détaillé
(Introduction en trois points)
(1) Le terme « virtuose », qui vient du latin virtus – c’est-à-dire la vertu dans le sens d’un accomplissement moral – a vu sa signification évoluer au cours des derniers siècles. En 1703, Sébastien de Brossard, dans son Dictionnaire de musique, en donne une définition qui s’écarte de l’acception moderne : les Italiens « donnent […] cette belle Épithète aux excellents Musiciens et, entre ceux là, plutôt à ceux qui s’appliquent à la Théorie ou à la Composition de la musique ».
(2) Pour Brossard, le virtuose, c’est-à-dire l’« excellent musicien », désigne donc le compositeur ou le théoricien. Peut-on se satisfaire d’une telle définition ou doit-on l’examiner aussi du point de vue de l’interprète, tel que nous le suggère le sens moderne ? De même, Brossard nous invite à discuter de l’« excellence » en musique : sa position fait référence au contenu moral du terme. Ainsi, que ce soit pour le créateur ou l’interprète, la virtuosité doit-elle se contenter de qualités uniquement techniques ou proposer une vision artistique et morale ?
(3) Dans une première partie, nous traiterons donc de la vision contemporaine : celle d’un interprète qui se définit uniquement par son aspect technique et qui parfois, avec la connivence du public, oublie ses devoirs et ses exigences d’artiste. La deuxième partie tente en revanche de montrer que l’ « excellence » ne peut se contenter d’une telle posture. On s’interrogera en particulier sur la « virtuosité cachée » dans bien des œuvres : l’expression musicale ou la connaissance des lois les plus savantes seront particulièrement étudiées. Exigent-elles du musicien qu’il maîtrise des compétences théoriques et artistiques loin des démonstrations et gesticulations propres au « virtuose automate » ? Enfin, le dernier point de la réflexion posera les conditions d’une véritable « excellence », capable de définir un art où s’allient harmonieusement la technique, la science et la morale.

I-Le virtuose : l’image du soliste exceptionnel
1-Le virtuose est un soliste exceptionnel. Souvent il s’apparente à une machine, il ne se soucie pas de musicalité
2-Le public l’encourage et l’adule
3-le compositeur est à sa disposition et doit le mettre en valeur
=> ce sont des « charlatans » selon le mot de Mozart.
(Transition)
Le virtuose se réfère donc à la figure du soliste en concert : il est encouragé dans ses performances hors norme à la fois par le public et par certains compositeurs. Mais la technique seule suffit-elle à faire de ce technicien un virtuose ou, selon les termes de Brossard, un « excellent musicien » ? En effet, certains effets sonores peu impressionnants mais difficiles à maîtriser ou bien encore ce que l’on nomme la « musicalité » constituent eux aussi une « virtuosité cachée ».

II-La virtuosité cachée
1-L’expression : tous les compositeurs accordent de l’importance à cette démarche, elle est aussi importante à leurs yeux que les compétences strictement techniques
*dans les mouvements lents de concertos ou de sonates au XIXe, la virtuosité est « cachée » : ils peuvent être aussi difficile à maîtriser que les mouvement rapides jouant sur la vitesse et les difficultés techniques.
*certains effets sonores ressortent aussi d’une virtuosité cachée même s’ils n’impressionnent pas le public. C’est le cas du toucher du piano ou des ornements au clavecin, véritable fleuron de l’école française des XVIIe et XVIIIe siècles.
2-La compréhension de l’œuvre : un interprète « savant »
*nécessité de connaître les règles du contrepoint pour jouer une fugue de Bach

(Transition)
Ainsi l’interprète et le compositeur se rejoignent : ils participent tous deux à une conception élaborée et savante de la musique. Ils peuvent être envisagés comme des « inventeurs ». Pour reprendre le terme de Brossard, il s’agit donc plus d’« excellence » que de prouesses techniques. Mais cette excellence serait incomplète si on ne l’envisageait pas dans toute sa dimension sociale et spirituelle : le sens premier du terme – la « virtus » latine - aide d’ailleurs à définir une dimension plus transcendantale qui concerne le statut même de la musique.

III- L’excellence en musique conjugue la science et les qualités morales
1-Le sens étymologique du mot, « virtus » : courage, force morale. Il détermine bien des manifestations artistiques de l’humanité.
2-Une offrande divine :
*la virtuosité comme offrande destinée aux dieux que l’on trouve par exemple chez les flûtistes du Bénin ou chez les Pygmées Aka du Centrafrique
*pour Bach, l’élaboration musicale se déploie à l’office et y prend tout son sens (chorals pour orgue, préludes et fugues ; un très bon exemple : l'air de basse avec chœur "Mein teurer Heiland" de la Passion selon Saint Jean).
3-Une réflexion politique, celle d’un citoyen aux prises avec les enjeux de la cité et qui s’adresse à ses pairs.
*Messiaen : Quatuor pour la fin des temps, avec un travail virtuose sur le temps
*Prometeo de L. Nono : amener l’humanité vers des univers encore « in-ouïs ».

(Conclusion en deux points)
(1-Conclusion bilan) Le terme de virtuose s’applique à des domaines différents : l’excellence technique, la composition, la connaissance des règles de l’art, la musicalité. La définition de Brossard est donc incomplète : elle devrait en réalité concerner tout musicien qui exerce son art avec clairvoyance. Le virtuose est celui qui excelle dans son domaine, qu’il soit interprète ou compositeur. Cependant on ne doit pas oublier, comme le suggère Brossard, la dimension spirituelle, qu’elle soit politique ou religieuse. Un « excellent » musicien est celui qui transcende sa virtuosité – de créateur ou d’interprète - pour la porter dans le domaine de l’Esprit. (2-Conclusion personnelle) Son courage, son sens moral et sa haute inspiration sont ainsi capables de transformer l’approche de la société face à l’art : il donne à l’auditeur toute sa place et fait de lui aussi une sorte de « virtuose » dans la plus noble acception du terme.

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PANORAMA LICENCE 1 : HISTOIRE DE LA MUSIQUE À L'ÉPOQUE BAROQUE

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES ANTÉRIEURS A 1800

CACCINI, Giulio, Le Nuove musiche, Florence, Marescotti, 1602, rééd. et présentation Joël Heuillon, Lille, Les cahiers Gai-Kitsch-Camp, La musique éloquente, vol. 2, 1995.

CHARPENTIER, Marc-Antoine, Règles de composition, ms français, Paris, Bibliothèque nationale manuscrits, n. a. f. 6355. Édité dans CESSAC, Catherine, Marc-Antoine Charpentier, Paris, Fayard, 1988.

LECERF de la VIEVILLE de FRENEUSE, Comparaison de la musique italienne et française, Bruxelles, François Foppens, 1705-1706, t. 1 et 2. Fac. sim., Genève, Minkoff, 1972.

RAMEAU, Jean-Philippe, Musique raisonnée, textes choisis, présentés et commentés par Catherine Kintzler et Jean-Claude Malgoire, Stock, Paris, 1980. Voir Observations sur notre instinct..., p. 174 et sq.

ROUSSEAU, Jean-Jacques, Dictionnaire de musique, Paris, 1768. Fac-sim. Paris, Art et culture, 1977.

OUVRAGES POSTÉRIEURS A 1800

I-OUVRAGES GÉNÉRAUX SUR LA MUSIQUE

BELTRANDO-PATIER, Marie-Claire, (direction), Histoire de la musique, collection Marc Honegger, Paris, Bordas, 1982.

DUFOURCQ, Norbert, BENOÎT, Marcelle et GAGNEPAIN Bernard, Les grandes dates de l’histoire de la musique, coll. “Que-sais-je?”, Paris, PUF, 4e éd. 1991.

LESCAT, Philippe et SAINT-ARROMAN, Jean, La musique occidentale du chant grégorien à Béla Bartók, coll., Mnémosis, Courlay, Fuzeau, 1996.

MICHELS, Ulrich, Guide illustré de la musique, 2 vol., traduit de l’allemand par Jean Gribenski et Gilles Léothaud, Les indispensables de la musique, Paris, Fayard, 1988.

II-OUVRAGES ET ÉTUDES SUR LA MUSIQUE DES XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES

A-Ouvrages

ANTHONY, James R., La musique en France à l’époque baroque, traduit de l’américain par Béatrice Verne, Harmoniques, Paris, Flammarion, 1981.

BARTHELEMY, Maurice, Métamorphoses de l’opéra français au siècle des Lumières, Arles, Actes Sud, 1990.

BENOÎT, Marcelle, Les musiciens du roi de France, Paris, PUF, coll. “Que-sais-je?”, 1982.

BUKOFZER, Manfred F., La musique baroque, traduit de l’américain par Claude Chauvel, Dennis Collins, Frank Langlois, Nicole Wild, Paris, J.-C. Lattès, nouvelle édition, 1988.

HARNONCOURT, Nikolaus, Le discours musical, Paris, Gallimard, 1982, traduit de l’allemand par Dennis Collins.
-Le dialogue musical, Monteverdi, Bach et Mozart, Paris, Gallimard, 1985, traduit de l’allemand par Dennis Collins.

LA GORCE, Jérôme de, L’Opéra à Paris au temps de Louis XIV, histoire d’un théâtre, Desjonquères, 1992..

MOINDROT, Isabelle, L’opera seria ou le règne des castrats, coll. Les chemins de musique, Paris, Fayard, 1993.

MORRIER, Denis, Chroniques musiciennes d’une Europe baroque, Paris, Fayard-Mirare, 2006.

PALISCA, Claude V., La musique baroque, essai traduit de l’américain par Dennis Collins, Arles, Actes Sud, 1994.

B-Dictionnaires et guides

BOUISSOU, Sylvie, Vocabulaire de la musique baroque, Paris, Minerve, 1996.

Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, direction BENOÎT, Marcelle, Paris, Fayard, 1992.

Guide de la musique baroque, direction SADIE, Julie Anne, Paris, Fayard, 1995.

Guide de la musique sacrée et chorale profane (l’âge baroque, 1600-1750), direction Edmond Lemaître, Paris, Fayard, 1992..

Rameau de A à Z, direction BEAUSSANT, Philippe, Paris, Fayard/IMDA, 1983.

SAINT-ARROMAN, Jean, Dictionnaire d’interprétation (Initiation), Paris, Honoré Champion, 1983, vol. 1.

SADIE, Stanley (éd.), The New Grove Dictionary of Music and Musicians, deuxième édition, éd. par Stanley Sadie, Londres, MacMillan Publishers, 2001, 29 vol.
-The New Grove Dictionary of Opera, Londres, Macmillan Publishers Limited, 1992-94, 4 vol.

C-Monographies de compositeurs

BARTHELEMY, Maurice, André Campra, Arles, Actes Sud, 1995.

BASSO, Alberto, Jean-Sébastien Bach, traduit de l’italien par Hélène Pasquier, Paris, Fayard, 1984, 2 vol.

BEAUSSANT, Philippe, Lully, ou le musicien du soleil, Paris, Gallimard, Théâtre des Champs-Elysées, 1992.

CESSAC, Catherine, Marc-Antoine Charpentier, Paris, Fayard, nouvelle édition, 2004.

LA GORCE, Jérôme de, Jean-Baptiste Lully, Paris, Fayard, 2002..

SCHRADE, Léo, Monteverdi, traduit de l’américain par Jacques Drill, Paris, Press Pocket, coll. Agora, 1991.

V-COLLECTIONS DIVERSES

L’Avant-scène opéra, Paris:
-Atys, Lully, janvier 1987, n° 94
-Didon et Enée, Purcell, n°18
-Les Indes galantes, Rameau, décembre 1982, n° 46
-Médée, Marc-Antoine Charpentier, octobre 1984, n° 68
-L’Orfeo, Monteverdi, octobre 1976, n° 5.

Collection "Une histoire de la musique baroque", Harmonia mundi, Arles, 1977
-Le domaine sacré (cinq disques)
-Le monde instrumental (cinq disques)

Collection “Passerelles”, Harmonia mundi, Arles (un ouvrage et deux disques)
-LEGRAND, Raphaëlle, Comprendre la musique baroque à travers ses formes, 1997.
-KINTZLER, Catherine, La France classique et l’opéra... ou la vraisemblance merveilleuse, 1998.